Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Aujourd'hui, le soleil n'était pas au beau fixe. En effet, la pluie tombait à grosses gouttes depuis plusieurs heures maintenant. La louve n'était pas très encline à sortir mais il le fallait. Elle avait décidé de retourner à son lieu de naissance pour réfléchir au sens de sa sa vie. Elle n'avait jamais rien accompli d'exceptionnel dans sa vie et cela commençait à lui peser. Son souhait le plus cher était de marquer l'histoire de son clan, de manière positive bien sûr. Mais elle ne trouvait pas les réponses à ses questions existentielles. C'est pourquoi elle sortit promptement de sa tanière sans penser aux problèmes capillaires que la pluie allait lui provoquer.

La pluie diluvienne continuait de tomber avec vigueur tandis que Haënymae courrait, déterminée, vers la Clairière d'azur. Manquant plusieurs fois de glisser dans des flaques de boue ou encore de se prendre les pattes dans les racines des arbres, Haënymae ralentit son pas et prit le temps de contempler le monde qui l'entourait. Elle était à l'orée de la clairière d'azur, encore dans la forêt sans fin mais à deux pas de la clairière. Les arbres de la forêt la protégeaient des gouttes de la pluie torrentielle qui sévissait encore. Des orages tonitruants grondaient dans le ciel comme des tambours qui annonçaient une bataille.

Le monde autour de la louve lui paraissait gris, triste, sans couleurs. Cette pluie avait sur elle un effet mélancolique et nostalgique. Elle se rappelait de ses jeux d'enfant, de ses rires mais également de ses peines, de sa mesquine soeur et de ses piques incessantes. Elle réfléchissait et tournait toutes ces images dans sa tête. Elle fronçait les sourcils et ses yeux commençaient à se remplir de chaudes larmes. Ses iris azur d'habitude si pleines de vie étaient à présent sombres et rougies par les sanglots de la louve. Sa belle chevelure blonde éclatante était terne et trempée. La pluie la faisait ressembler à une serpillière. Et son pelage émeraude était lui aussi mouillé de toutes parts ce qui pouvait faire penser au feuillage d'un saule, morne et tombant.

Elle était sur le point de repartir, désespérée de trouver un moment de paix quand quelque chose attira sa curiosité. Un doux chant retentissait dans la clairière d'azur. Elle se retourna mais ne distingua la cantatrice de ce chant harmonieux. Elle se rapprocha de l'origine de ce son quand tout à coup, elle sentit ses pattes glisser et s'enfoncer dans le sol. Elle tomba dans un trou qui avait été creusé intentionnellement et camouflé par des fleurs et des herbes sauvages ! Elle était couverte de boue de la tête aux pattes. Elle était ébahie par ce qui venait de lui arriver. Après avoir repris ses esprits, elle constata que le chant s'était arrêté et s'était transformé en un rire. Un rire moqueur et tonitruant qui s'élevait dans toute la clairière.
Haënymae vit le farceur au loin se rouler par terre tellement il s'esclaffait.
-"Je suis toute sale ! Ca te fait rire ?", s'exclama-t-elle.

Haënymae fut touchée par cette question. Dans son enfance, on lui avait fait plusieurs fois ce genre de blagues mais jamais on ne lui a demandé comment elle allait après et si elle ne s'était pas blessée. Ce n'était que de la moquerie directe sans aucune bienveillance ou complicité derrière : de la méchanceté pure et simple. Oui, la jeune louve fut touchée par cette simple question : "[...]ça va ou tu t'es pas fait mal en tombant ?" Cela montrait le caractère enfantin et innocent de la petite farce de cette loupiotte. Elle était certes empreinte de malice mais dénuée de malveillance.

Mais elle devait maintenant y répondre à cette question, ce qui n'allait pas être tâche facile. La louve au pelage émeraude savait que la subite coloration rouge de ses yeux n'était pas due à la chute. Elle était due aux récents pleurs de la jeune louve, eux-mêmes dus aux souvenirs refoulés concernant sa soeur et les tristesses de son enfance. Elle se demandait donc si elle devait expliquer les vraies raisons de cette rougeur aux yeux qui était très apparente. Après tout, elle venait juste de rencontrer cette loupiotte printanière. Pourquoi lui raconter sa vie personnelle ? Ce serait sûrement aussi embarrassant pour la louve qu'ennuyeux pour la loupiotte.

Néanmoins, cette malencontreuse rencontre lui avait quand même changé les idées. Elle avait oublié sa mélancolie et avait été plutôt amusée par cette farce même si elle fut à ses dépens. La pluie tombait toujours, mais le monde avait repris des couleurs à ses yeux. Peut être que sur le moment, la louve fut agacée, mais elle savait au fond d'elle que c'était simplement une invitation au jeu d'une petite loupiotte espiègle. Pourquoi refuser une telle invitation ? C'était une adolescente après tout, elle avait encore l'âge pour ces jeux puérils, certes mais si divertissants. Elle décida donc de lui faire une farce elle aussi. Légère par rapport à celle qu'elle avait subie mais qui constituait quand même une petite riposte. Elle laissa la loupiotte s'approcher d'elle pour l'examiner :
"[...]J'voulais pas te blesser moi...", dit-elle.

Elle prit alors discrètement une poignée de boue dans sa patte antérieure gauche. La louve feignit de s'être fait mal et profita de la distraction de la loupiotte pour lui lancer la boue en plein visage. Elle commença doucement à rire puis, sans arriver à se contenir, explosa de rire et lui glissa avec un ton satisfait :
"L'arroseuse arrosée..."

La louve au pelage émeraude était si fière de son coup. Elle craignait que sa camarade printanière allait s'énerver du revirement de situation mais ce ne fut pas le cas. Au contraire, elle se prit au jeu et dit joyeusement à Haënymae :
-" Haha, tu veux vraiment jouer à ça ??"
La loupiote se nettoya le pelage, se redressa et bondit dans le deuxième trou qu'elle avait creusé pour riposter. Elle lança la bataille avec un cri de guerre féroce :
-" A l'attaaaaaaaque !!"
Quand elle entendit ce cri émanant de sa comparse, Haënymae s'éloigna d'un saut et creusa machinalement une tranchée dans la boue. N'ayant pas beaucoup d'expérience dans ces jeux, elle sortir la tête de sa tranchée pour jeter un oeil à ce que fabriquait la loupiote. Elle n'aurait pas dû faire ça car en quelques secondes, elle se reçut une énorme salve de boue. Elle retourna derrière sa tranchée tout de suite et constitua un tout d'abord une massive muraille de boue et ensuite un gros tas de mélasse qui servirait de projectiles. Elle en prit une poignée et la lança de toutes ses forces dans le camp ennemi.

S'en suivit une bataille sans fin, des projectiles fusaient de partout et dans toutes les directions. La pluie continuait de tomber vigoureusement mais les deux camarades de jeu s'en fichaient. Ils ne cessaient pas de se lancer continuellement des projectiles boueux. Au moment où elle s'y attendait le moins, Haënymae se jeta sur le poste de son comparse en criant :
-"Invasiiiiiooon !!"
Elle tomba sur la loupiote et prise d'un fou rire se roula par terre. Elles étaient toutes deux sales comme il n'était pas permis et trempées de la tête aux pattes. Le rire de la louve au pelage émeraude retentissait dans toute la clairière. Elle déclara à sa comparse :
-Je crois que c'est moi qui ait gagné non ?

Haënymae était fière d'avoir gagné cette bataille boueuse. Habituellement, dans ce genre d'activités, c'était toujours elle  qui perdait. Il y avait deux raisons à cela. Tout d'abord car la louve n'est pas très sportive. Même si elle court vite, les jeux de compétition n'ont jamais été son fort. La deuxième raison est son aversion pour la violence. On pourrait s'imaginer qu'enfants on ne réfléchit pas à toutes les éventualités, mais Haënymae le faisait. Elle avait beaucoup de mal à jouer à ces jeux car elle ne voulait pas humilier la personne en face, tant moralement que physiquement.

Mais là, c'était différent. La louve au pelage émeraude était spontanée et libérée du regard des autres. Elle jouait comme n'importe quelle loupiote le ferait. C'était un jeu sans méchanceté. Il était simplement enfantin, amusant et dénué de mauvaises intentions. Elle s'était faite une amie qu'elle n'allait pas lâcher de l'après-midi et celle-ci n'avait pas non plus l'intention de la laisser filer. Sa satisfaction fut donc immense quand son adversaire de jeu avoua sa défaite :
- "Mmmmmouais, j'suppose qu'on peut dire que pour cette fois, t'as gagné."

Un sourire orgueilleux se dessina sur les babines humides de la louve. Elle avait bien envie de refaire une partie mais elle regarda d'abord autour d'elle. La belle clairière d'azur d'habitude si verdoyante et resplendissante était devenue un véritable champ de cratères et de fossés boueux. On aurait pu croire qu'une tornade avait tout ravagé sur son passage mais non. C'étaient deux petites loupiotes qui ont simplement voulu s'amuser et qui ont utilisé la clairière comme champ de bataille. La louve au pelage émeraude, consciente de la sentence qu'elles encourraient si on les prenait sur le fait, pensa à aller se rincer et jouer plus loin. Sa comparse eut , étrangement, la même idée :
- "On va s'rincer avant de continuer à jouer ??"

Elles se dirigèrent donc vers le ruisseau le plus proche afin de se rincer et de commencer une nouvelle activité. Pendant que la louve au pelage émeraude entrevoyait la couleur originelle de son poil en se rinçant, sa comparse lui demanda :
- "Au fait, c'quoi ton nom ? Moi j'm'appelle Herrade !"
Elle avait raison de poser cette question. Elles avaient tissé des liens presque instantanément sans connaître leurs noms respectifs. C'est donc avec entrain que la louve lui répondit :
- Moi, c'est Haënymae ! Tu as un joli prénom, dit-elle en souriant.

C'était à Haënymae de choisir l'activité suivante mais elle manquait d'inspiration. Elle balaya son environnement proche d'un regard attentif et eut une idée. Elle se demanda comment elle n'y avait pas pensé avant. Tous ces arbres, ces recoins, ces rochers et ces grottes. Tout était idéal pour entamer une partie de cache-cache. Elle proposa donc à Herrade :
- Ca te dit un cache-cache ? Il y a plein de cachettes possibles, ça peut être super !